mercredi 10 avril 2019

Des raisons de l’insoutenable quantité de la dette publique. Aspects économiques du déclin français



« Notre déclin économique est bien le résultat d'un déclin moral qui conduit les acteurs de la société à démissionner de leurs responsabilités. »
-Jean-Louis Caccomo, « Quand le déclin moral précipite le déclin économique », 14 décembre 2014.

« La génération à laquelle j'appartiens a échoué, elle a laissé se dégrader non seulement les comptes publics mais les capacités du pays. »
-François Fillon, dernier débat télévisé du premier tour de l’élection présidentielle de 2017.

J’écoutais, le 27 septembre 2018, L’Émission politique de France 2 (effort en soi méritoire puisqu’il implique de supporter l’entertainment festiviste propagé par la racaille journalistique).

Une brave dame, syndicaliste retraitée et militante communiste, répondait au Premier ministre qu’elle en avait « marre » d’entendre parler de la dette.

Une opinion qui -pour être sympathique aux oreilles de l’électeur-téléspectateur qui, lui, non plus, n’y comprend goutte- ne fait pas, on en conviendra, une politique. Mais qui, à défaut, fait saisir que, si la dette publique française s’en va, nonchalante, se fracasser sur le mur du relèvement des taux (et pourquoi pas de la faillite ?), la faute n’en incombe point seulement à nos gouvernants, mais aussi à un peuple mal informé et insoucieux des conséquences nécessaires et prévisibles de ses choix.

Il est vrai que la dette est chose fort abstraite –ça ne se renifle pas, ne se mange pas, ne se touche pas, et surtout ne se voit pas. La dette, ça se médiatise fort mal –qu’on s’étonne après que l’électeur n’y songe guère. Ce n’est définitivement pas populaire.

Pour penser la dette (donc les contraintes du budget de l’Etat, donc les limites du possible et du souhaitable en politique), il faut penser (et même anticiper), dépasser le stade du désir immédiat et de la perception directe (soit le state animal de la vie psychique). L’évolution sinistre de la dette publique depuis 50 ans -(en 1968, elle représentait 15% du PIB ; en 1978, 21.4 %, puis 33,6 % en 1988, 61,4 % en 1998, 68,8 % en 2008 et près de 98 % en 2018 !)- est d’abord le signe d’un affaiblissement des disciplines et des intelligences.

Et tout indique que les choses vont encore empirer cette année : « L’année 2019 sera bien l’année de tous les records pour les besoins de financement extérieurs de l’Etat. 2018 établissait un nouveau seuil de prélèvements obligatoires à 1000 milliards d’euros, si l’on en croit les prévisions budgétaires, ce record ne sera pas battu. En revanche sur les financements extérieurs, c’est du jamais vu : 200 milliards d'euros seront collectés sur les marchés internationaux. Les besoins de financement de l'état se montant en 2019 à 236 milliards. […] La France sera sans doute le deuxième émetteur de dette de la Zone Euro, derrière l’Italie qui n’a pas donné les chiffres officiels de son programme. » (« Dette : la France entame son programme record », 10/01/2019).

La Cour des comptes mentionne même que la France fait pire que tout le reste des Etats européens.

Tout déclin provient d’abord d’un déclin de la raison, et d’un déclin du courage, en tant qu’il faut du courage pour bien conduire sa raison et regarder le réel en face. Sans tricherie. Sans pleurnicheries. Sans déni. Notre personnel politique, de Jean-Luc Mélenchon aux centristes bon teint (sans oublier Chirac), ne nous a que trop bercé des doucâtres promesses de l’irresponsabilité. On connaît pourtant la suite :

« Le fait de s’imaginer que l’État est pérenne et ne peut pas faire faillite quoi qu’il arrive, car c’est une éventualité qui n’a jamais été considérée comme possible dans la tête de nos étatistes, aggrave paradoxalement son risque de faillite. Car ses agents, s’imaginant à leur tour immortels, réduiront au maximum toute attitude de prudence. Les prises de risques et les décisions court-termistes seront démultipliées et la faillite de l’État deviendra un véritable cygne noir qui fera vaciller tout le système. » (Patrick Aulnas, «Pourquoi la France a-t-elle choisi le chômage et l’endettement ? », 3 janvier 2019). 

Mais d’où vient donc tout cet endettement ? Comment –diront-on les gens de gauche- est-il possible que les dépenses excèdent les recettes budgétaires depuis 1974, alors que l’Etat est étranglé par des politiques d’ « austérité » à répétition ? La réponse est bien évidemment que, derrière les discours gouvernementaux sur la nécessité de « faire des efforts », ladite austérité n’a jamais existé en France. En réalité, la France s’encombre du « plus grand État-providence d’Europe. Et c’est aussi elle qui a le fardeau global le plus lourd en matière de dépenses publiques ».

L’exemple du système de retraites par répartition en est une illustration emblématique. En vivant au-dessus de ses moyens, l’Etat a tout simplement garanti à plusieurs « générations » de retraités un niveau de vie artificiellement élevé, au détriment des générations futures (miracle de la « solidarité » étatisée):

« Les retraités nous coûtent un bras, les baby-boomers n’ayant pas du tout cotisé ce qu’il aurait fallu provisionner. 
[Macron] est pris au piège des lâchetés passées. Retraites en tête, problème visible dès l’époque où Mitterrand a abaissé l’âge de départ de 65 à 60 ans, explosif dans les années 90 et planqué aussi longtemps que possible par les gouvernements suivants. »
-Duff, « Grand déballage national, socialisme et traîtrises passées », 18 janvier 2019.

Les chiffres sont éloquents : de l’aveu même du gouvernement (voir l’excellent article de la blogueuse Nathalie MP), le versement des retraites représente 26.8% du total des dépenses publiques, soit la première source de dépenses, loin devant les 14.3% des « dépenses sectorielles » (illégitimes) et les 6 malheureux % des administrations régaliennes (légitimes). Le budget de l’Etat ayant cédé d'être excédentaire depuis 1974 [R1], c’est donc bien l’avenir du pays qui a été sacrifié pour payer un niveau de retraites sans équivalent pour un pays industriel comparable. C’est d’ailleurs bien ce qu’indique l’économiste Pascal Salin lorsqu’il souligne –dans un article essentiel- qu’ « on parle de solidarité entre les générations pour justifier la spoliation des plus jeunes par les plus vieux au moyen du système obligatoire de la retraite par répartition. ». 

Un phénomène déjà ancien (« Les personnes de plus de 50 ans, en 2004, ont [...] un patrimoine brut plus important en termes relatifs qu'en 1992, alors que les moins de 30 ans ont un patrimoine brut plus faible. » (Patrick Savidan, Repenser l'égalité des chances, Paris, Hachette, coll. « Hachette littératures/Pluriel », 13 janvier 2010 (1re éd. 2007), 327 pages, p.301), et qui perdure:

"Selon les chiffres du rapport de France Stratégie (Ferry & Lenglart, 2016), entre 2001 et 2013, le niveau de vie des 65-74 ans a augmenté de 19% et celui des 18-24 ans seulement de 4%. Contrairement à l'Allemagne ou au Royaume-Uni, le ratio du niveau de vie des 18-24 ans comparé à celui des 65 ans et plus a une valeur négative, et l'écart s'est même creusé depuis 2005." -Anne Muxel, Politiquement jeune, Éditions de l'Aube et Fondation Jean Jaurès, 2018.

L’avant-garde des privilégiés du système redistributif-spoliateur fut sans doute composée par les médecins libéraux car, par un décret du janvier 1988, le gouvernement de Jacques Chirac mis en place le MICA, lequel permis de prendre avec 8 ans d’avance une retraite presqu’à taux plein, ce que beaucoup médecins firent. Jamais la fameuse définition de l’Etat par Frédéric Bastiat n’aura été si exacte (« L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. »). Mais à ce jeu lugubre là, il n’est que trop évident que certaines classes ou catégories sociales sont plus égales que d’autres.

Le cas des retraites n’est bien sûr qu’une manifestation particulièrement criante de l’accroissement permanent et généralisé de la dépense publique, comme le rappelait fort bien Aristide Renou en 2012 :

« De quel « démembrement de l’Etat » parle-t-on exactement ? Sans entrer dans un long et fastidieux débat sur cette question, on pourra simplement rappeler quelques chiffres incontestables. En 1980 (début du « démembrement » donc) les dépenses publiques représentaient à peu près 45% du PIB de la France (pour mémoire, ce chiffre était de 35% en 1960), en 2010 elles ont atteint le niveau record de 56,6% du PIB, ce qui classait la France première parmi les 34 pays de l’OCDE. A s’en tenir à ce seul chiffre, la France serait donc d’ors et déjà l’un des pays les plus collectivisé du globe.
Ce ratio sous-estime d’ailleurs fortement le poids du « public », parce que la dépense n’est que l’une des formes de l’intervention politique. S’y ajoutent toutes les normes, obligations, interdictions qui surveillent, contrôlent, encadrent, réglementent, dirigent la partie « privée » de l’économie, et qui sont omniprésentes. Au-delà des domaines régaliens classiques, la plupart des secteurs, de l’éducation à l’agriculture, en passant par la culture, les transports, le logement, l’énergie, le crédit, la recherche, sont, de fait, assez largement étatisés en France.
Serait-ce alors la fonction publique qui aurait été « démembrée » ? Il est difficile de le croire : de 1980 à 2008, les effectifs de l’État ont augmenté de 400 000 agents, soit 14 % [R2]. Or, pendant cette période, plusieurs vagues de décentralisation ont transféré des fonctions de l’État aux collectivités locales. En outre, cette période a été marquée par l’informatisation de nombreuses fonctions administratives. Ces deux éléments auraient logiquement dû conduire à une réduction substantielle des effectifs des services administratifs concernés. Cela n’a pas été le cas : au contraire les effectifs se sont accrus ; et cette hausse n’est même pas due au passage aux 35 heures dans la fonction publique puisque 85% de l’augmentation des effectifs constatée depuis 1980 a eu lieu avant le passage aux 35 heures. Ce qui est vrai pour l’Etat l’est aussi pour les collectivités territoriales et les hôpitaux : augmentation des effectifs de 54% dans la FPH et de 71% dans la FPT sur la même période.
Serait-ce alors la protection sociale qui aurait été réduite à la portion congrue ? Mais, depuis 1980, plusieurs prestations sociales nouvelles ont été créées, comme le RMI (devenu RSA), la CMU ou l’APA, dont les bénéficiaires se comptent aujourd’hui par millions et les dépenses par milliards. Démembrement ?
Laurent Bouvet affirme également que « l’argument fiscaliste des néo-libéraux a eu (...) un impact électoral considérable à partir de la fin des années 1970 dans toutes les grandes démocraties en convertissant largement les citoyens à l’idée qu’ils paient trop d’impôts au regard de la qualité des services publics, par exemple. » On ne se prononcera pas pour ce qui est des autres démocraties mais, en ce qui concerne la France, le moins que l’on puisse dire est que cette affirmation semble quelque peu exagérée, puisque le taux de prélèvements obligatoire était de presque 40% en 1980 et qu’il atteignait 43,7% en 2011. Peut-être les Français ont-ils été convertis à l’idée qu’ils paient trop d’impôts, mais il faut alors ajouter qu’ils n’ont pas réussi à le faire comprendre à leurs représentants. Drame de l’incommunicabilité...
Si réellement l’Etat a été « démembré » depuis 1980, alors il nous faut reconnaitre que la puissance publique française aurait découvert le secret d’en faire toujours moins en employant toujours plus de monde et en dépensant toujours plus d’argent. Une sorte de pierre philosophale à l’envers qui serait, certes, une éclatante manifestation du génie français.
Il est vrai que, depuis 1980, l’Etat a très largement renoncé à diriger lui-même des entreprises et que celles qu’il possédait ont été privatisées en tout ou en partie. Peut-être est-ce à cela que pense l’auteur du Sens du peuple, et peut-être regrette-t-il le temps des Charbonnages de France et de la Régie Nationale des Usines Renault. Si tel est le cas, il est douteux qu’il trouve beaucoup de monde pour le suivre, même chez ceux qui voudraient une gauche plus populaire. Mais, quoi qu’il en soit, il semble pour le moins excessif d’affirmer que, parce que l’Etat n’est plus entrepreneur et que quelques grands monopoles publics ont été - théoriquement - ouverts à la concurrence, la gauche se serait convertie au « libéralisme » et la France avec elle.
Dans « l’indice de la liberté économique » publié annuellement par l’Heritage Foundation et le Wall Street Journal, la France était classée 67ème en 2012 (derrière, par exemple, le Rwanda ou le Kazakhstan), ce qui la rangeait dans la catégorie des pays « modérément libres ». Non, décidément, il ne semble pas que la gauche française ne se soit convertie au libéralisme en matière économique (pas plus que la droite d’ailleurs). » 

L’euphorisant déni de la réalité a pu être prolongé pour plus de deux décennies supplémentaires grâce au caractère de « trappe à endettement » de la monnaie unique, qu’explique admirablement Gilles Dryancour dans cet article de 2015 (article qui tient même du génie prophétique par certains aspects):

« Le pari des hommes des États méditerranéens, à l’égard de l’euro, a aussi été payant. Grâce à la monnaie unique, les taux d’intérêt auxquels ils devaient emprunter ont notablement chuté. Ainsi, depuis 2002, l’Italie a économisé environ 250 milliards d’euros sur le service de sa dette. Pour la France, ce montant serait, selon nos estimations, proche de 150 milliards. Un montant malgré tout considérable puisqu’il représente, pour l’État, trois années pleines de l’impôt sur le revenu.
On doit aussi constater que nos dirigeants n’ont pas utilisé ces ressources pour redresser les comptes de la nation, puisque la dette publique française est passée, entre 2001 et 2015, de 56 % à 95 % du PIB. Soit, en valeur nominale, une augmentation de 900 milliards d’euros.
Ceci montre bien que les économies réalisées sur le service de la dette, grâce à l’euro, ont servi depuis 2002 à acheter des voix supplémentaires sur le marché politique, qui ne pouvaient plus être financées par l’impôt. »

Ladite analyse ayant récemment été reconduite par Johan Rivalland : « l’arrivée de l’euro a conduit certains pays (Grèce, Espagne, France, …) à pratiquer un certain laxisme dans leurs politiques économiques, repoussant à plus tard les éventuelles réformes, en pensant tirer parti de la situation avantageuse de l’euro sur le plan notamment des taux d’intérêt. »

Lorsque viendra –et elle finira hélas par advenir- l’heure noire où nous finirons asphyxiés économiquement par le surendettement, il ne faudra pas oublier de rappeler la responsabilité écrasante de celles et ceux qui nous y ont persuadé que « l’euro est une bonne affaire », que « faire l’Europe c’est faire le poids », et autres conneries.

En résumé, nous sommes dans le cas inverse de la société « libérale » flétrie par Péguy :

« Ce raidissement de l’argent, qui commande toute la société moderne, cette immense vénalité, cet universel remplacement des forces souples par de l’argent raide a son point d’origine économique, civique, moral, psychologique et métaphysique dans le raidissement du présent, dans cette ossification, dans cette momification du présent qui a fait tout le matérialisme et l’intellectualisme et le déterminisme et le mécanisme. Tout est venu, toute cette immense et universelle vénalité est venue de l’épargne et du livret de caisse d’épargne. Elle est toute venue de ce que par esprit d’épargne on a voulu mettre de côté le présent. Et pour être bien sûr de le mettre de côté on l’a mis au passé. » (Charles Péguy, « Note sur M. Descartes et la philosophie cartésienne », Cahiers de la Quinzaine, 1er août 1914, repris in Note conjointe, Gallimard, NRF, 1935, 319 pages, p.251)

Nous sommes au milieu du contraire de cela. Nous sommes passés d’une société « libérale » à une société « socialiste » (welfariste, progressiste, étatico-libertaire). Et nous sommes passés –en tant que société, et si tant est que Péguy ait eu raison pour son temps- d’un excès dû à l’esprit d’épargne à l’excès contraire, à la domination de l’esprit de dés-accumulation, de l’esprit de frivolité, de l’esprit de consommation, de l’esprit de consumation, de l’esprit de jouissance, de l’esprit de détente, de l’esprit de dépense, de l’esprit de non-renouvellement (le point critique où arrive certaines de nos infrastructures collectives le confirme [R3]). Et nous sommes passés d’une bourgeoisie industrieuse à une bourgeoisie décadente. Dans les mœurs comme dans la production (les deux se tiennent). Le festivisme consumériste est le corollaire logique de l’économie mixte, d’une société où les revenus ne sont plus gagnés, acquis, accumulés, réinvestis, et gagnés de nouveau, mais pillé par la corruption réciproque de l’entreprise et de l’Etat. Et pillé sur les générations à venir par un endettement exponentiel. Car nous avons sacrifié l’avenir au présent (toutes les études nombreuses consacrées à la problématique de « l’effacement de l’avenir » peuvent en témoigner). Tout ceci n’est pas, comme le répètent les anticapitalistes jacassant, une société de laisser-faire. C’est une société de laisser-aller, une société du désordre. Combien il en faut, de la discipline, de la rigueur, de la tenue ; combien il en faut, de vertus morales, pour tolérer les genres de vie qu’on n’approuve pas, et vouloir vivre librement –donc être indépendant, donc productif (cela est valable pour les individus comme pour les nations). Et combien il en faut peu, combien il faut du contraire de cela, pour vouloir vivre aux crochets de la société par la médiation de l’Etat, pour se faire –prolétaire ou bourgeois- assisté perpétuel, pilleur des producteurs, dernier homme. Comme c’est là un raccourci pour tous les avilissements ! « Malheur à qui veut être parasite ! il sera vermine. » (V. Hugo, Les Misérables).

Un homme d’Etat digne de ce nom doit songer à l’éventualité d’une crise d’endettement, tous les matins, en se levant, tout comme il doit songer à l’éventualité d’une guerre, tous les matins, en s’habillant. Comme le disait l’un de nos grands sages : « Le politique doit toujours envisager le pire pour tenter de le prévenir. »

Je laisse le mot de la fin, d’une part à Simone Wapler:
« Un jour, le système va se gripper. Il ne restera plus que la dette dont tout le monde s’apercevra soudain que personne ne peut la rembourser. Alors, soit les taux monteront et il faudra organiser un jubilé. Soit il faudra dissoudre les dettes dans l’inflation.
Stupéfaction : on découvrira alors que le pouvoir d’achat pris sur le dos des autres était factice et malhonnête. »

D’autre part -l’histoire étant bien souvent éternel recommencement- ce mot du Comte de Mirabeau à propos de la politique financière de Necker (contrôleur général des finances du 29 juin 1777 au 19 mai 1781, puis du 25 août 1788 au 11 juillet 1789 [R4]) :
« Arrêtez-vous de l’admirer, car vos enfants un jour le maudiront. Emprunter sans imposer, c’est rejeter sur les générations à venir le poids des iniquités d’un ministre qui ne voit que sa gloire personnelle et ses succès présents [...] sont autant de vers rongeurs qui énervent nos forces présentes, qui anéantissent nos forces prochaines, qui ne nous laissent pour l’avenir que l’affligeante alternative d’une banqueroute désastreuse ou d’impôts devenus excessifs pour avoir été retardés contre tous les principes d’une administration éclairée et prévoyante, et par une complaisance incroyable pour le charlatanisme inouï du banquier directeur. »

[R1] : « Le dernier budget voté et exécuté en excédent en France remonte à 1974. En 1980, Raymond Barre fit voter l'ultime loi de finances en équilibre. » -Sylvie Pierre-Brossolette, « Et s'ils devenaient tous barristes... », 04/08/2011.

[R2] : Un économiste favorable à l’Etat-providence cite un accroissement encore plus rapide : « Entre 1980 et fin 2007, les effectifs de la Fonction publique sont passés de 3.8 millions à 5.3 millions, soit une hausse de plus d'un tiers. En proportion de l'emploi total, leur part est passée de 17.8% à 20.6%. » (Christophe Ramaux, L'Etat social. Pour sortir du chaos néolibéral, Éditions Fayard/Mille et une nuits, 2012, 474 pages). L’austérité budgétaire que dénonce la gauche relève donc purement et simplement du mythe. La popularité dudit mythe en dit long sur le triomphe du collectivisme dans les esprits.

[R3] : Le blogueur H16 soulignait récemment à ce sujet que : « la dette sert très majoritairement à payer les frais de fonctionnement de notre État mammouth et de sa redistribution sociale tous azimuts, et très, très, très peu les routes, les ponts et les écoles, généralement en place et payés depuis des lustres […] l’infrastructure actuelle se dégrade de tous les côtés. Quelques tentatives de trajet en train en automne (feuilles mortes), en hiver (neige), en été (chaleur) ou au printemps (animaux qui traversent les voies), quelques explorations de nos plus belles prisons insalubres, de nos meilleurs hôpitaux, de nos plus jolies routes trouées, de nos ponts qui menacent de s’effondrer, de nos infrastructures de distribution de gaz ou de nos institutions qui bullent, etc., suffisent à convaincre que la situation n’est pas vraiment en train de s’améliorer. »

[R4] : On ne soulignera jamais assez que la convocation des états-généraux par Louis XVI, qui amorce la Révolution française, est une conséquence de la gabegie financière, étendue sur des décennies, de la monarchie. La Révolution était une réponse à un désordre.

1 commentaire:

  1. Article très intéressant.

    Vous êtes trop jeune pour avoir suivi ça, mais je me souviens de la campagne présidentielle de 2007. Bayrou avait fait de la dette le thème central de sa campagne. Il n’a pas été entendu, Sarkozy a été élu, et la dette a explosé sous Sarkozy et Fillon (qui est très doué pour parler, un peu moins pour mettre ses actes en conformité avec ses paroles).

    Que vous le vouliez ou non, personne ne votera jamais contre la dette. Vous déplorez à juste titre l’irrationalité de notre société, mais c’est un phénomène structurel. La raison et le devoir ne sont plus des valeurs invoquées, pas même en paroles. Si vous prononcez ces termes, vous faites fuir l’électeur. C’est un vrai changement de civilisation, le basculement de la civilisation de l’écrit, basée sur l’abstraction et la rationalité, à la civilisation de l’image et de la communication, basée sur l’émotion exclusivement. Et l’émotion ne connaît pas l’avenir. Un autre facteur est la féminisation de la société, avec un féminisme de plus en plus revendicatif et sûr de sa force, et un effacement des valeurs viriles de raison, de courage, d’austérité, au profit de l’empathie et du partage (dans les termes d’ailleurs seulement, car la réalité est tout autre). Ainsi va le monde !

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