J’ai bien observé les commentaires médiatico-politiques sur le Brexit depuis l’annonce de la victoire du « Leave » en juin 2016. Les européistes restent désespérément prévisibles. Ils n’ont jamais, pas une heure, admis que le vote populaire pouvait devenir une réalité institutionnelle. L’Union européenne ne s’est-elle d’ailleurs pas toujours construite contre la démocratie ? [R1] Des événements aussi inacceptables devraient être arrêtés. C’est donc de manière bien peu étonnante qu’ont été systématiquement relayées en France toutes les tentatives d’empêcher –ou de retarder- la libération du Royaume-Uni.
Le rêve humide de ces belles personnes qui nous
gouvernent ou nous « informent » (œuvrent à essayer de déterminer
notre forme d’existence, en l’occurrence la servitude) est bien évidemment que
la classe politique britannique finisse –via un changement de gouvernement,
lassitude de la guerre d’usure des « négociations » avec la
Commission aidant- par trahir le vote
populaire de juin 2016 en abandonnant le Brexit, ou en organisant un nouveau
référendum sur l’appartenance à l’UE. Il faut souhaiter, pour le Royaume-Uni
mais aussi pour le reste de l’Europe, que cela n’advienne pas. Mais je suis
pour une fois assez optimiste là-dessus. On pourra d’ailleurs jeter un œil à
l’ouvrage du journaliste Marc Roche (Le Brexit va réussir, Albin Michel, 12
Septembre 2018).
Le Brexit est presque toujours présenté comme une
décision irrationnelle plongeant gratuitement le Royaume-Uni dans une
transition difficile. C’est oublier ce qui a conduit le peuple britannique à
comprendre que ses hypothétiques malheurs à venir ne pourraient guère être
pires que les maux déjà à l’œuvre à cause de l’UE.
L’ouvrage de Christopher Booker & Richard North,
outre une exposition édifiante des mensonges par lesquels les européistes ont
réussi à encastrer si longtemps le Royaume-Uni dans l’UE, apporte des éléments
précis sur les nombreux maux qu’a engendrée l’adhésion. Citons un exemple bien
utile pour comprendre la colère des classes populaires britanniques (les gros
bataillons du Brexit), celui des dégâts
économiques consécutifs à l’européanisation des zones de pêche :
« Il y eut également une nouvelle preuve des dégâts infligées par la
Pac à l'industrie de pèche britannique. Le 30 avril [1998], une réponse au
Parlement révéla qu'en l'espace de quatre ans, entre 1993 et 1997, le nombre de
bateaux de pêche sur les registres anglais avait fondu de près d'un tiers,
passant de 11 108 à 7809. Le tonnage des "bateaux sous pavillon"
possédés par des investisseurs espagnols ou hollandais avait quant à lui
augmenté, alors que 3300 navires britanniques plus petits furent mis hors
service, avec leur équipage. » (Christopher Booker & Richard North,
La Grande Dissimulation, L'Artilleur, coll. "Interventions",
2016 (2003 pour la première édition anglaise), 832 pages, p.516).
Ou encore celui des dégâts de la Politique agricole
commune pour un Etat pourtant contributeur net au budget de l’UE : « L'industrie
agricole britannique, jadis la plus efficace et la plus prospère dans l'UE,
avait déjà été plongée dans la pire dépression de son histoire. La
quasi-totalité des secteurs de l'élevage anglais luttaient pour survivre. Le
problème principal venait de ce que les agriculteurs britanniques étaient
incapables de concurrencer des agriculteurs de pays bénéficiant de subventions
bien plus généreuses, comme la France et l'Irlande, dont les Gouvernements
avaient utilisé la PAC avec plus d'adresse pour la défense de leurs intérêts
nationaux. La subvention moyenne que recevaient les agriculteurs irlandais
était deux fois supérieure à celle payée à leurs collègues britanniques, et la
France à elle seule exportait deux fois plus de nourriture en Angleterre que l'Angleterre
n'en vendait à la France. Par conséquent, 25 000 agriculteurs britanniques
quittaient désormais le métier chaque année. Depuis la Seconde Guerre mondiale,
l'année où les revenus agricoles au Royaume-Uni avaient été les plus hauts
remontait à 1973, date de l'adhésion à la PAC. A présent, il fallait payer le
prix de décennies de dilapidation de sommes gigantesques pour donner deux fois
plus de subventions aux paysans d'autres parties de l'UE qu'aux paysans
britanniques. » (p.595-596)
Bref, on le voit, l’UE est décidément (pour le dire
en paraphrasant Frédéric Bastiat) la
grande fiction au travers de laquelle chaque Etat membre essaye de vivre aux
dépends de tous les autres. Le Royaume-Uni s’étant aperçu qu’il perdait
beaucoup plus nettement que les autres à demeurer dans ce tout plus faible que la somme de ses parties, il y a en tiré les
conclusions qui s’imposent rationnellement.
Il est vrai que certains imbéciles européistes
(c’est là un pléonasme) s’obstinent [R2] à diffuser l’idée que la sortie de
l’UE aurait mis le Royaume-Uni dans une situation économique difficile. Les
économistes ayant travaillé montrent pourtant que : « Le Brexit
n'a pas déclenché la tempête sur les marchés financiers et immobiliers que
certains avaient annoncée, même si la livre sterling a perdu 10 à 15% de sa
valeur par rapport à l'euro. » (Sébastien Jean, "Vue d'ensemble:
le printemps... ou une hirondelle ?", chapitre I in CEPII L'économie
mondiale 2018, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2017, 127 pages,
p.7-21, p.15).
La réalité –cette empêcheuse de faire indéfiniment
tourner l’esprit dans le cercle étriqué de l’idéologie- irritante est que
l’économie britannique, à la veille de quitter l’Union, se porte en fait bien.
Tout ceci doit nous inviter à comprendre la sagesse
profonde que recèle la décision de nos voisins britanniques. Et pour comprendre
le sens historique du Brexit, rien de mieux que de se tourner à nouveau vers
l’économiste Jean-Jacques Rosa. Il est vraiment l’un de ceux dont on pourra
dire, dans quelques décennies (années ?), lorsque l’UE aura disparu, qu’il
avait tout compris avant les autres.
Aussi je vous propose une traduction de son billetdu 26 juin 2016, intitulé :
« L’Optimalité
du Brexit : Le modèle fédéraliste est voué à l'échec et le déficit
démocratique se creuse. »
« Quelle est la cause fondamentale du Brexit ?
Qu'est-ce qui a incité les électeurs britanniques à choisir sans ambiguïté, et
une fois encore, le 23 juin [2016], la haute mer, plutôt qu'une participation
prolongée à l'entreprise de construction de l'État continental ?
La réponse courte est : La loi de Moore –le
doublement des capacités des micro-puces informatiques tous les dix-huit mois
environ- qui n'a cessé de se poursuivre depuis le début de la révolution de
l'information au début des années 80, sans montrer aucun signe de
ralentissement.
Permettez-moi de développer un peu. De nombreux
commentateurs ont souligné l'importance du problème -renforcé par Schengen- de
l'immigration, laissant entendre que les Britanniques sont xénophobes, ce qui
est clairement faux [R3] étant donné le nombre d'immigrants provenant d'un
large échantillon de pays qui y vivent déjà. Londres est une ville beaucoup
plus cosmopolite que la plupart des autres villes du continent. Certains
prétendent que les électeurs britanniques ont désiré ardemment un retour à un
empire aujourd'hui disparu [R4] et à ses marchés protégés. Mais il serait
difficile de trouver une revendication fondamentalement protectionniste dans
l'opinion publique. Au contraire, l'économie britannique est de plus en
plus intégrée dans le commerce et la production au niveau mondial, hors
d'Europe. Elle échange moins avec l'UE et davantage avec le reste du monde que
par le passé.
Peu d'économistes, je suppose, s'opposeraient à ce
que l'on examine les avantages et les coûts de l'engagement britannique dans
l'Union européenne. Le ratio ici a beaucoup changé depuis les années 80.
Surtout depuis 1986, date à laquelle l'"Acte unique" promu par
Jacques Delors et d'autres socialistes français a transformé le Marché commun,
qui constituait essentiellement un dispositif d'ouverture de marchés nationaux
autrefois fermés après la Seconde Guerre mondiale, en marché unique intégré
qui, ont-ils affirmé, devrait être agrémenté par une monnaie unique et un
système réglementaire unique pour renforcer la compétitivité et devenir
pleinement efficace. Cet Acte unique a changé la nature de l'entreprise
européenne, qui est passée d'un dispositif économique compétitif à un projet de
construction d'un État à motivation politique préjudiciable à la concurrence.
Rien dans la théorie économique ne prouve qu'une
monnaie unique soit nécessaire au libre-échange ou que la concurrence devrait
être renforcée par l'unification réglementaire. Au contraire, une monnaie
unique consiste à supprimer des marchés, c'est-à-dire les marchés monétaires,
et le mécanisme des prix, la libre variation des taux de change entre monnaies
nationales. Par conséquent, la concurrence est réduite, et non augmentée, par
l'unification monétaire. Les dirigeants politiques britanniques ont compris
cela parfaitement et ont rapidement décidé de sortir du SME [Serpent Monétaire
Européen, ndT] en septembre 1992, tout en refusant de participer à la création
de l'euro, malgré la pression exercée
par la City en faveur de l'entrée de la zone euro.
D'autre part, la centralisation réglementaire est un
beau cadeau accordé aux grandes entreprises car au lieu de négocier 27 accès à
27 marchés, une grande entreprise peut concentrer ses efforts sur une seule
autorité réglementaire à Bruxelles, pour un budget global similaire qui devient
donc énorme pour chaque négociation (environ 27 fois plus important au niveau
de Bruxelles, par rapport au budget de lobbying disponible pour chaque
processus réglementaire national avant centralisation réglementaire au niveau
européen). L'autorité de régulation de Bruxelles voit également son pouvoir de
négociation et ses avantages potentiels multipliés par 27, ce qui incite à
entretenir des relations "amicales" avec les lobbies d'affaires [R5].
Tous ces changements favorisent les entreprises qui
peuvent le mieux s'entendre les unes avec les autres et avec l'autorité
réglementaire unique, et pénalisent les
consommateurs et la concurrence. Il s'ensuit que les grandes entreprises, en Grande-Bretagne comme ailleurs, étaient
fortement en faveur de la participation à la centralisation de l'Union
européenne [R6].
L'inconvénient, cependant, était que la
centralisation monétaire et réglementaire ayant été mise en place sans la
création d'un super-État unique, le contrôle démocratique des décisions politiques
a été considérablement réduit. Les eurocrates régnaient et pouvaient créer des
avantages et des coûts sans une représentation adéquate des citoyens. Au lieu
que les électeurs nationaux contrôlent 100 % des lois et règlements qui leur
sont applicables, ce sont désormais des coalitions de représentants étrangers
qui décident. Le meilleur exemple est la récente décision de Mme Merkel
d'autoriser des immigrants en Allemagne qui pourraient ensuite migrer vers
n'importe quel pays de l'UE de leur choix.
Il s'ensuit que pour les citoyens des Etats membres, il existe désormais
une législation sans représentation adéquate.
Une solution à ce problème inhérent au processus
d'unification européenne serait de créer un gouvernement élu directement par
l'ensemble des électeurs de l'Union, et/ou un président également élu
démocratiquement. Un super État, en d'autres termes.
Mais ça n'arrivera pas. Et c'est le résultat de la
loi de Moore. En effet, suite à l'analyse par Coase de la raison d'être des
structures hiérarchiques, c'est-à-dire des entreprises, ce type d'organisation
de la production de biens et de services se développe lorsque les coûts de
transaction élevés excluent l'utilisation d'une organisation décentralisée de
la production, c'est-à-dire la production par les échanges commerciaux entre
hiérarchies plus petites et plus nombreuses. Et comme les coûts de transaction
sont essentiellement des coûts d'information, il s'ensuit que lorsque
l'information devient abondante et extraordinairement bon marché, comme c'est
le cas depuis le début de la révolution de l'information des années 80,
l'utilisation des marchés décentralisés devient moins coûteuse que celle des
entreprises hiérarchiquement intégrées. Les petites entreprises deviennent plus
efficaces que les grandes.
C'est également le cas de la plus grande entreprise
de nos économies, l'État. L'Etat est comme les autres entreprises, une équipe
organisée pour la production de divers services (police, justice, transferts)
et de certains biens industriels et privés. Sa taille optimale se rétrécit avec
la nouvelle abondance d'informations.
Il y a donc eu un complet renversement de tendance par rapport à la période du "premier XXe siècle" (disons 1900-1975)
où la production augmentait beaucoup plus rapidement que l'information, une
période de centralisation générale de la production commerciale et politique,
et la période du "deuxième XXe siècle" (depuis 1974) caractérisée par
une réduction générale des structures hiérarchiques optimales due à la baisse
verticale du coût des informations et des communications.
Ces structures hiérarchiques qui existent et qui
étaient optimales dans le passé tendent cependant à résister à cette tendance
pour des raisons évidentes (essentiellement les intérêts des gestionnaires et
des employés). C'est particulièrement vrai dans les sociétés où la démocratie
est imparfaite parce que les intérêts des consommateurs et des électeurs ne
sont pas bien respectés et que les producteurs (entreprises et gestionnaires)
gouvernent. Il s'ensuit aussi que les entreprises européennes sont trop grandes
et que les Etats européens ont pour l'essentiel continué à croître alors que
leur taille théorique optimale se rétrécissait. C'est la cause de la
sous-performance des économies européennes, en particulier depuis la crise de
2008, qui est une crise de transformation structurelle, de suppression des
marchés (marchés des changes) et de surréglementation des marchés, qui pèse
principalement sur les petites entreprises et offre une couverture
concurrentielle aux plus grandes. Ce qui a pour effet d'étouffer la
productivité et le dynamisme de l'économie.
Cette deuxième tendance à la réduction des effectifs
du XXe siècle, qui se poursuit au XXIe siècle (parce que la loi de Moore continue
sans relâche), explique pourquoi le super-État européen, dont toutes les élites
à travers le continent veulent croire qu'il sera la clé de la croissance
future, mais qui serait le problème et non la solution, ne se concrétisera pas.
Après avoir refusé de participer au projet de
monnaie unique et quitté le SME en septembre 1992, les électeurs britanniques,
dans une décision parfaitement cohérente bien que tardive, ont choisi de
quitter l'appareil réglementaire et fiscal que les Européens essaient de
construire, mais beaucoup trop tard. L'ère des grands États et des grands
empires se referme rapidement.
Le modèle de centralisation de la production et de
la politique, adapté aux conditions de rareté de l'information et d'abondance
de la production de la fin du XIXe siècle et des trois premiers quarts du XXe,
ce que j'appelle le modèle
américano-allemand de construction d'empire par la guerre et l'intégration
politique (la guerre civile aux États-Unis et la centralisation monétaire par
la construction de la Fed en 1913 ; la centralisation allemande sous Bismarck,
menée par la guerre avec beaucoup de nations européennes dans les années 1860
et obtenue par la défaite française en 1871) est maintenant obsolète depuis les
années 80. Malgré trois "guerres civiles européennes" (1870, 1914,
1939), la construction d'un empire
germano-européen imitant l'empire américain [R7] s'avéra impossible à
réaliser. Mais nos politiciens ne s'en sont pas rendu compte jusqu'à présent,
et croient toujours que la façon d'obtenir plus de pouvoir et une croissance
plus rapide est encore d'imiter Lincoln et Bismarck. Leur prétention est hélas
notre fardeau.
Les Britanniques, qui ont une tradition de commerce
et de démocratie beaucoup plus forte que les autres Européens, ont compris [cela].
Comme ils l'ont fait après 1992, ils seront
justifiés dans les années à venir. D'autres Européens prévoyaient des
conséquences désastreuses à la sortie du SME en 1992 : inflation, chômage et
absence de croissance. Le contraire s'est produit, et la Grande-Bretagne a
profité de sa "clairvoyance" politique.
Il en sera de même dans les mois et les années à
venir. Le projet de construction de l'État européen est mort, et l'euro suivra.
Dans l'intervalle, la "sclérose organisationnelle" continuera
d'entraver la croissance et le dynamisme sur le continent. »
[Remarque 1] : « L'Europe ne procède
pas d'un mouvement démocratique. Elle procède d'une méthode que l'on pourrait
définir du terme de despotisme éclairé. » (Tommaso Padoa-Schioppa, Les
enseignements de l'aventure européenne, Commentaire, n°87, automne
1999).
« Je savais que je ne pourrais jamais gagner
un référendum en Allemagne. Nous aurions perdu un référendum sur l'introduction
de l'euro. C'est tout à fait clair. J'aurais perdu avec 70% d'opposition. [J'ai
dû agir comme un dictateur] ». (Helmut Kohl, "Helmut Kohl : il
dit avoir agi comme "un dictateur" pour installer l'euro", www.atlantico.fr, Avril
2013)
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre
les traités européens. » (Jean-Claude Juncker, président de la Commission
Européenne, entretien pour Le Figaro, 29 janvier 2015).
[R2] : « Le marasme économique, politique et géopolitique dans lequel plonge le
Royaume-Uni, et finalement son incapacité à quitter véritablement la zone
d’influence européenne a refroidi, si elles existaient, toutes velléités de
sortie de l’Union. » -Antoine Picron, Élections européennes : être pour l’Europe ne sera pas suffisant,
18 décembre 2018)
[R3] : Sur ce point, les choses sont hélas bien
moins claires que M. Rosa ne le pense. Il est incontestable que nombre de
partisans du Brexit l’ont soutenu pour de mauvaises raisons, dans un contexte
de montée de la xénophobie, y compris contre les étrangers issus de l’Union européenne.
Certains libéraux sont tentés d’en déduire que
l’opposition radicale au supranationalisme européiste serait intrinsèquement
entachée de nationalisme. Ce serait oublier que le versant économique du
nationalisme est étatiste et protectionniste ; or, certains défenseurs du
Brexit étaient incontestablement des libéraux soulignant que la construction
européenne empêche le Royaume-Uni d’échanger librement en dehors de l’UE, en particulier avec l’Inde.
L’hésitation de certains libéraux à attaquer la même
cible que les « populistes » d’extrême-droite ou d’extrême-gauche n’a
pas lieu d’être. Une fois saisie l’incompatibilité entre le projet de
construction européenne et les propres prémisses morales et politiques du
libéralisme, le fait de s’accorder sur certains buts partiels qui sont aussi ceux de mouvements dont nous
contestons les principes n’a rien de déconcertant. Il en va de la nature même
de la lutte politique et de la lutte pour la liberté. Comme le disait l’une des
grandes figures du libéralisme britannique, l’historien John Emerich
Edward Dalberg-Acton : « Les vrais amis de la liberté ont toujours
été rares, et l'on ne doit ses triomphes qu'à des minorités qui l'ont
emporté en se donnant des alliés dont les objectifs différaient souvent des
leurs. » (Lord Acton, Histoire de la liberté dans l'Antiquité,
Conférence prononcée devant les membres du Bridgnorth Institute, 26 février
1877).
[R4] : Il y a réellement quelque chose
d’historiquement profond, et donc quelque chose à méditer, dans cette absence
–ou peut-être ce dépassement
dialectique- de la nostalgie en Grande-Bretagne, cette intrépidité, cette
capacité à anticiper et à rejoindre avant
les autres le monde d’après, tandis que tant de penseurs ou d’hommes
politiques français nous chantent les complaintes d’un retour vers les racines
d’un modèle social et économique à la fois injuste et à bout de souffle. Ce
sera du reste le thème de nos prochains billets.
[R5] : C’est une tendance bien connue que, plus le pouvoir politique est étendu,
concentré, « lointain » (y compris du point de vue linguistique,
la langue de travail de la Commission était l’anglais) et soustrait à toute procédure démocratique, plus il est perméable à la
corruption ou du moins à des formes d’influence permettant aux plus grandes
entreprises d’obtenir des privilèges. Le phénomène est depuis longtemps connu
et dénoncé par les libéraux sous le nom de « capitalisme de connivence ». La libéralisation de l’économie française demeurera
impossible dans le cadre réglementaire rigide que déploie la bureaucratie
bruxelloise.
[R6] : Dans un précédent ouvrage, le professeur
Rosa avait déjà indiqué que le soutien des milieux financiers à la construction
européenne relevait d’une conception étriquée de leurs intérêts : « L'intérêt des institutions financières n'est
que celui d'un secteur de l'économie. Il ne se confond pas avec l'intérêt de
l'ensemble du pays. Si une monnaie forte et largement utilisée dans le monde
est bonne pour les comptes d'exploitation des banques, elle peut être
désavantageuse pour ceux des producteurs d'automobiles ou de produits chimiques,
voire pour les industries agro-alimentaires. [...] Il se trouve que les
promoteurs de la monnaie unique étaient plutôt des financiers et banquiers
publics que des industriels ou des exportateurs. Se pourrait-il que leurs vues
aient été étroitement corporatistes ? » (Jean-Jacques Rosa, L'erreur européenne, 1998).
[R7] : Sur l’imaginaire impérial de la
construction européenne, outre cette déclaration édifiante de José Manuel Barroso,
on peut aussi consulter ce billet. Sur la nostalgie
allemande pour le modèle du Saint-Empire romain germanique –détruit par les
armées françaises de la Révolution et de l’Empire-, voir Alexis Dirakis,
« Les Ressorts du consensus allemand sur l’Europe », Le Débat, nov-déc. 2017.
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