Né en 1971, diplômé d’histoire de l’université d’Oxford, élu député européen de 1999 à 2020 pour le Parti conservateur britannique, Daniel Hannan est un homme politique et un intellectuel.
Il est l’auteur d’une quinzaine de livres, dont How We Invented Freedom & Why It Matters (2013). C’est également un contributeur régulier au journal libéral français Contrepoints et pour de nombreux journaux britanniques, dont The Daily Telegraph. Il dirige depuis 2016 la revue en ligne The Conservative.
Conservateur-libéral, il a été, avant même la campagne du Brexit de 2016, l’un des avocats les plus déterminés et les plus constants de l’indépendance du Royaume-Uni. Dès 1998, il a dénoncé l’euro dans The Euro: Bad for Business. Un euroscepticisme radical qu’on retrouve chez de nombreux conservateurs et libéraux britanniques, parmi lesquels Mark Littlewood de l’Institute for Economic Affairs, Ryan Bourne du Cato Institute, ou l’équipe du blog Libertarian Home.
Pour fêter la mise en œuvre du Brexit, je vous propose la traduction d’un des premiers articles qu’a publié Daniel Hannan en faveur de cette campagne :
« Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit quand vous entendez le mot "eurosceptique" ? Un Anglais au visage rouge de colère, qui met en garde contre les dangers de l'immigration ? […] Un hooligan de football ?
C'est ce que l'autre camp voudrait que vous pensiez. Alors, quand ils trouvent un exemple, ils lui tombent dessus avec avidité. Un de ces exemples est celui de Godfrey Bloom, membre du parti pour l'indépendance du Royaume-Uni [UKIP] au Parlement européen, qui a parlé, entre autres, de l'aide apportée aux "pays des bongo bongo". Mais il serait plus juste de donner l'histoire entière : M. Bloom a été expulsé de son parti, comme l'ont été une poignée d'autres excentriques.
Le défi pour les eurosceptiques est de s'assurer que le débat est organisé en fonction des arguments qu'ils avancent effectivement, et non de ceux que leurs adversaires voudraient qu'ils avancent.
Pour comprendre ce type d'argument, il suffit de se rappeler qu'il y a dix mois, l'UE a annoncé qu'elle suspendait ses négociations commerciales avec l'Inde, principalement en raison de divergences sur les exportations agricoles. Mais tous les pays européens n'ont pas suivi son exemple. L'Association européenne de libre-échange (AELE), qui regroupe la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein, a rapidement déclaré qu'elle avait l'intention de signer un accord de libre-échange avec Delhi d'ici 2015.
Les quatre États de l'AELE font partie du marché européen et bénéficient de la libre circulation des biens, des capitaux, de la main-d'œuvre et, avec quelques exceptions, des services avec les 28 membres de l'UE. Cependant, ils se trouvent en dehors de la zone tarifaire, ce qui signifie qu'ils peuvent signer des accords commerciaux bilatéraux avec des pays non européens.
En juillet, par exemple, les accords de libre-échange conclus par la Chine avec l'Islande et la Suisse sont entrés en vigueur. Si l'on considère que la Chine a connu une croissance de 7,7 % l'année dernière alors que la zone euro a reculé de 0,5 %, je dirais que cela donne un avantage considérable aux États de l'AELE. Il n'est pas étonnant que le revenu par habitant dans l'ensemble de l'AELE soit 25 % plus élevé que dans l'UE.
La Grande-Bretagne, qui est tournée vers le commerce mondial de par son histoire, sa géographie et son tempérament, est particulièrement touchée par le protectionnisme de l'UE. Nous sommes en train de rater des opportunités colossales en Inde, un Etat de droit démocratique anglophone, notre quatrième investisseur à l'étranger et le pays d'origine de pas moins de 1,4 million de citoyens britanniques. Il est révoltant de constater que nous ne pouvons pas signer d'accord de libre-échange avec l'Inde tant que notre politique commerciale est contrôlée par Bruxelles.
Il en va de même pour le Partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement, le projet d'accord commercial entre les États-Unis et l'Union européenne. En dehors de l'UE, nous aurions signé un accord commercial bilatéral global avec Washington il y a des décennies. Au lieu de cela, nous devons rester assis et regarder pendant que des intérêts particuliers cherchent à obtenir des faveurs. La France, par exemple, a insisté dès le départ pour que le secteur du cinéma soit exclu, ce qui est très important si l'on se souvient que le divertissement est le troisième plus grand secteur d'exportation des États-Unis.
Les arguments contre l'UE n'ont nul besoin d'être nostalgiques ou défensifs, et encore moins xénophobes. Au contraire : la vision eurosceptique est ouverte sur le monde et optimiste. Toute nostalgie vient de ceux qui, de l'autre côté, ne peuvent pas regarder au-delà du modèle d' « Europe unie » des années 1950.
Nous ne croyons plus, comme dans les années 50, que les grands consortiums économiques soient l'avenir, que l'expansion de l'activité gouvernementale soit bénigne ou que les économies doivent être planifiées. Mais l'UE reste un enfant de son temps, mariée à ses plans quinquennaux, à ses commissaires non élus, à ses droits sociaux uniformes en matière de travail, à ses prix administrés.
La seule chose à laquelle elle n'est pas attachée, c'est la libre concurrence. Il se passe à peine une semaine sans qu'un produit inoffensif ne s'avère contraire aux règles de Bruxelles, soi-disant pour des raisons de protection des consommateurs ou de l'environnement, mais en réalité parce qu'un cartel de producteurs qui respectent certaines spécifications y voit une opportunité de nuire à leurs rivaux. L'UE, par exemple, interdit les aspirateurs à haute consommation d'énergie, les sèche-cheveux et d'autres appareils, une mesure qui aura un effet négligeable sur les émissions de carbone, mais qui a été fortement encouragée par les fabricants qui produisent des appareils à faible consommation d'énergie.
Si votre objectif était de promouvoir le libre-échange, vous ne forgeriez pas une union douanière à partir d'un groupe d'économies industrialisées similaires. Le but du commerce est d'échanger des choses différentes. Pourtant, depuis plus de 40 ans, le commerce britannique a été artificiellement détourné de son arrière-pays naturel - le mélange d'économies agraires, industrielles, de services et de marchandises de base qui composent l'Anglosphère - vers le bloc européen, moins diversifié.
En 2012, l'économie combinée du Commonwealth a dépassé celle de la zone euro. Ce ne fut pas seulement le résultat de la crise de l'euro. Cette crise a simplement accentué les conséquences d'un déclin démographique qui était déjà bien amorcé dans l'UE.
Il y a quelques mois, j'ai examiné dans un billet de blog le fait que tous les continents étaient en croissance, sauf l'Antarctique et l'Europe. Un ami espagnol m'a contacté pour me corriger et m'a envoyé des tonnes de statistiques. J'ai dû accepter qu'il avait eu raison et que j'avais tort : L'Antarctique est en fait de plus en plus prospère grâce au retour des bateaux de croisière. L'UE est le seul bloc commercial en déclin de la planète.
C'est pourquoi, en fin de compte, la Grande-Bretagne serait mieux lotie si elle quittait l'UE. Récupérer notre souveraineté, retrouver la capacité d'embaucher et de licencier nos législateurs, ne plus avoir à financer la fraude et le gaspillage à Bruxelles, ce sont là des arguments en plus. L'argument fondamental en faveur de la sécession est d'ordre économique : L'UE se taxe et se réglemente de manière absurde. Lors de notre adhésion en 1973, l'Europe occidentale représentait 36 % du PIB mondial. Aujourd'hui, elle en représente 23 % et en 2020, elle en représentera 15 %.
Nos amis américains nous incitent parfois à nous enliser davantage afin de corriger les tendances protectionnistes de l'UE et de la rendre plus ouverte sur l'extérieur. Honnêtement, cousins, que pensez-vous que nous essayons de faire depuis 40 ans ? Il arrive un moment où nous devons admettre que nous avons déjà fait de notre mieux.
Il y a, là dehors, un monde entier qui nous attend -notamment parmi les nations anglophones de common law qui, au fil des ans, ont été nos véritables amis. Comme l'a dit Winston Churchill, "Si la Grande-Bretagne a à choisir entre l'Europe et la haute mer, elle doit toujours choisir la haute mer". »
-Daniel Hannan, “Britain's Free-Trade Case Against Europe”, 18 septembre 2014.
Post-scriptum : On apprend grâce à cet article de Linda Monborren qu’au cours de la seule année 2019, le Royaume-Uni, étant enfin libéré de l’union douanière, a signé plus de 20 accords de libre-échange, et que de nombreux autres sont en préparation. En comparaison, au cours de toute son histoire, l’Union européenne n’a ratifié d’accords de libre-échange qu’avec 7 pays (Norvège, Suisse, Andorre, Turquie, Islande, Mexique, Corée du Sud) -en refusant d’ailleurs la main tendue des Russes…
Ami lecteur, sauras-tu reconnaître lequel des deux ensembles politiques est en train de « s’isoler sur la scène internationale » en raison d’un frileux « repli sur soi » menant au chauvinisme et au protectionnisme ? …
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