« Courageux
et libre, le grand peuple britannique vient de se hisser à la hauteur de son
histoire et d’administrer une formidable leçon de liberté aux autres peuples du
continent.
En
ce 24 juin au matin, une chose est sûre : l’Histoire vient de basculer.
Non
seulement le Royaume-Uni va reprendre sa liberté mais tous les peuples
d’Europe, les uns après les autres, vont désormais exiger d’avoir aussi la même
possibilité.
En
sortant leur pays de l’infâme piège tendu par Washington depuis 1951, les
Britanniques viennent de rendre au monde un service comparable à celui de 1940.
En
ce 24 juin 2016 au matin, la prétendue « construction européenne » vient de
commencer son effondrement final. »
-François Asselineau, Historique ! Le Royaume-Uni choisit la liberté.
Résumé des épisodes précédents, ou Court Éloge du Royaume-Uni :
Comme l’a écrit avec lucidité le grand penseur
libéral britannique, Lord Acton : « En toutes les époques, les amis sincères de la liberté ont été rares,
et ses triomphes ont été dus à des minorités qui ont prévalu en s’associant à
des auxiliaires dont les fins différaient souvent des leurs ; cette
association, qui est toujours dangereuse, a parfois été désastreuse, en ce
qu’elle a donné aux opposants des bases justes d’opposition. » (History
of Freedom).
Il m’est donc impossible de ne pas déplorer le poids
qu’a joué la peur de l’immigration dans le scrutin d’hier.
Peur d’autant moins raisonnée que l’immigration n’est
pas un phénomène récent en Angleterre. Le nom même du pays (« la Terre des
Angles ») renvoie aux invasions saxonnes, magistralement contées dans la Saga du Roi Arthur de Bernard Cornwell. Lesquelles
invasions donnèrent naissance à un peuple où les influences celtiques et
germaniques se mélangèrent, à l’instar de la France. Et peut-être est-ce en
raison de cette similitude que ces deux nations furent si souvent aux prises
[R1], de Guillaume le Conquérant à la lutte d’Indépendance nationale de Charles VII et Jeanne d’Arc.
Le Royaume-Uni, par intérêt ou par une vertu née de
circonstances historiques précises, a eu depuis longtemps une tradition de
défense de la liberté. Dès le 13ème siècle, la noblesse parvient à
arracher au Roi d’Angleterre, la Magna Carta, lointain ancêtre des libertés modernes. Toujours soucieuse de
rivaliser avec la France voisine, la monarchie britannique tenta, sans jamais y
parvenir, d’imposer un système absolutiste. Le conflit entre le Trône et le
Parlement culmina dans les guerres civiles du XVIIème et la dictature
révolutionnaire de Cromwell.
C’est pour surmonter ces divisions politiques
extrêmes que Thomas Hobbes élabora, dans le Léviathan
(1651), sa célèbre doctrine de la souveraineté
de l’Etat, né de l’association volontaire des individus, garant de leur
sécurité privée, supérieur à toutes les Églises et seul habilité à produire et
appliquer des lois.
C’est en faisant subir à la philosophie de Hobbes un
retournement aussi magistral que celle qu’imagina Marx vis-à-vis de Hegel que
le philosophe John Locke posa les bases du libéralisme.
Le fondement du pouvoir étatique résidait toujours dans les individus (et non
plus dans la volonté de Dieu ou de son représentant sur Terre), mais sa
légitimité cesserait à l’instant où il manquerait à la protection des libertés
individuelles. Désormais, et comme l’écrivait à la même époque Spinoza dans le Traité théologico-politique, l’Etat
avait pour but la liberté.
C’est sur la base des principes lockéens, repris par les penseurs des Lumières (de Montesquieu et Voltaire et jusqu'à Tocqueville) que les représentants
des colonies britanniques du Nouveau monde proclamèrent, au siècle suivant, que
le « juste pouvoir » des
gouvernements « émane du
consentement des gouvernés » (Thomas Jefferson, Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique, 1776). La
Monarchie britannique tenta de réprimer par la guerre les principes révolutionnaires
de la démocratie libérale, en pure perte. Dirigés par des esprits conservateurs
(William Pitt, Edmund Burke) elle échoua à endiguer les
mêmes principes dans la France de la Révolution. Sur son propre sol, et tandis
que le Royaume-Uni jouait sa liberté dans ses tentatives de contrecarrer l’hégémonie
despotique de Napoléon, Thomas Paine éveillait dans le peuple la conscience des
droits naturels de l’homme, contribuant à la naissance du mouvement ouvrier moderne, qui
allait obtenir de haute lutte, au XIXème siècle, le suffrage universel masculin,
bien avant les nations européennes plongées dans la réaction monarchique.
Lors de la Première guerre mondiale, le Royaume-Uni,
toujours soucieux d’empêcher l’apparition d’une puissance hégémonique sur le
continent, se tint au côté de la France, après que l’Allemagne lui ait déclaré
la guerre en violant la neutralité de la Belgique. Et en 1940, lorsque l’Europe
entière souffrait sous la botte du national-socialisme, Albion seule trouvait
la force de s’opposer à l’infamie.
Je ne voudrais certes pas que l’on conclue de ce qui
précède que l’histoire britannique fût une succession de pages glorieuses. Mais
ce n’est sans doute pas un hasard si un moyen classique pour les étudiants de
traiter le thème de la décolonisation consiste à opposer la violence de la
Guerre d’Algérie au démantèlement prudent et négocié de l’Empire britannique
(sans nier la dimension tragique de la partition des Indes).
Aussi le Royaume-Uni me semble aujourd’hui, comme le
dit bien Asselineau, à la hauteur du meilleur de son histoire, en jetant à bas,
tel Atlas, le fardeau d’une union politique nuisible aux idéaux démocratiques
[R2] et libéraux. Son destin est désormais à nouveau entre ses seules mains.
Honneur au Premier ministre David Cameron, qui a eu
la grandeur de préférer la démocratie à sa carrière ! [R3]
Honneur au sage et fier peuple britannique ! [R4]
Que vive le Royaume-Uni et que vive la liberté.
[Remarque 1] : On reconnait la forme
mythologique des frères ennemis : « Le plus proche parent est le frère, c'est la plus forte identité de
l'exogamie monogamique qui, en Occident, contraint à prendre un seul époux hors
de la famille. La moindre différence doit porter la plus grande distance,
l'antinomie radicale, le conflit le plus grave : ces frères sont ennemis. »
(Michel Clouscard, Refondation
progressiste face à la contre-révolution libérale, Éditions L'Harmattan,
2003).
[Remarque 2] : « L'Europe ne procède pas d'un mouvement démocratique. Elle procède d'une
méthode que l'on pourrait définir du terme de despotisme éclairé. » -Tommaso
Padoa-Schioppa, Les enseignements de l'aventure européenne, Commentaire, n°87, automne 1999.
[Remarque 3] : Qui a eu l’élégance de choisir
de quitter le pouvoir, alors même que rien ne l’y obligeait, et que son propre camp l’invitait à ne pas le faire.
[Remarque 4] : Dont on ne peut pas souhaiter qu’il
soit agité par une division nord-sud, même si la carte électorale laisseprésager un futur de scission.
Vous avez choisi les ténèbres. Eh bien ! apprenez maintenant le goût de la peur. Apprenez maintenant le goût de la chute. Apprenez maintenant le goût de la mort.
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