Le texte qui suit est une traduction (bien imparfaite,
je le crains) d’un article de Bruno Waterfield, paru dans la version web du Daily Telegraph, le 3 février 2013.
A sa lecture, on en vient à se dire que le
« beau projet européen » ne doit pas être si beau, ni si bien portant
que ça, pour qu’on en soit désormais à traquer et à corriger les opinions
dissonantes (et sur le dos du #mouton-contribuable, qui plus est).
Accessoirement, ce genre d’histoire permet de mieux
comprendre pourquoi les Britanniques (comparativement mieux informés par une
presse plus indépendante de l’Etat), aspirent de plus en plus à quitter l’Union
Européenne les premiers.
« Le Daily
Telegraph a consulté des documents internes de prévision et découvert des
dépenses confidentielles, qui correspondent à la planification d’une propagande
sans précédent, avant et après les élections européennes de Juin 2014.
La clé de voûte d’une nouvelle stratégie résidera
dans les « outils d’analyse de l’opinion
publique », afin « d’identifier
à un stade peu avancé si les débats de nature politique entre membres des
réseaux sociaux et des blogs ont le potentiel d’attirer l’attention des média
et des citoyens ».
Les dépenses en matière « d’analyse qualitative des média [R1] » seront augmentées d’1.7
million de livres sterlings [R2] et si l’essentiel de ces sommes seront ponctionnées
sur des budgets européens existants, une augmentation additionnelle d’impôts de
787 000 livres sterling devra être levée l’année prochaine en dépit des
appels à ce que les dépenses de l’UE reflètent l’austérité nationale.
« Les
pays qui ont connu une vague d’euroscepticisme devront faire l’objet d’une
attention particulière », affirme un document confidentiel élaboré l’an
dernier.
« Les
communicants institutionnels du Parlement doivent être habilités à contrôler
[R3] les conversations publiques et le sentiment à la base, et, en temps réel,
comprendre la tendance des fils de discussions, afin d’avoir la capacité de
réagir rapidement, d’une façon pertinente et ciblée, pour rejoindre et
influencer les conservations, par exemple, en apportant des faits et des
schémas déconstruisant les mythes. »
L’entraînement des fonctionnaires du Parlement
commence plus tard ce mois-ci.
Paul Nuttall, le leader des députés du UKIP, a attaqué
la proposition, au sujet de laquelle il déclare qu’elle viole la neutralité du
service civil de l’UE en transformant les fonctionnaires en « patrouilles de trolls », arpentant
Internet pour faire des interventions non-désirées et politiquement
controversées dans les débats des réseaux sociaux.
« Dépenser
plus d’un million pour que le personnel de l’UE se transforme en trolls sur
Twitter pendant les heures de bureaux est un gâchis véritablement ridicule »,
a-t-il dit.
« Je suis
frappé par la bizarrerie du jeu que l’administration européenne joue de façon
si explicitement politique en prenant pour cible les eurosceptiques –nom de
code des partis comme le UKIP-, ce qui n’a rien de neutre. »
Un document confidentiel débattu par des
fonctionnaires la semaine dernière semble reconnaître le problème en admettant
que « la ligne est mince entre
communication institutionnelle et communication politique ».
Des fonctionnaires du Parlement ont décliné tout commentaire
sur les documents confidentiels et des discussions feutrées sont en cours au
sein de l’administration de l’UE.
Un document confidentiel intutilé « lignes
politiques pour la communication institutionnelle et la campagne de
communication » a été accepté par le bureau administratif du Parlement
jeudi dernier.
Le texte souligne un « contraste abrupt » entre « la perception croissante du bien-être en danger, l’insécurité montante
et l’instabilité financière » et les promesses de l’UE de garantir « la liberté, la sécurité et la justice sociale
dans un marché interne prospère ».
« La
crise économique et financière en cours à laquelle s’ajoute des taux de chômage
élevés, particulièrement chez les jeunes, a pour conséquence une diminution de
la confiance des citoyens envers les institutions européennes…Il est évident
que l’image de l’UE souffre », explique ce document.
« Dans le
but d’inverser l’impression que « le problème c’est l’Europe », nous
avons besoin de communiquer que la réponse aux défis existants [R4] …c’est « plus
d’Europe » et pas « moins d’Europe ». »
Les fonctionnaires du Parlement sont tout
particulièrement inquiets que les nouveaux pouvoirs que les membres du
Parlement européen ont reçus du Traité de Lisbonne [R5] ne se soient pas
traduits par une popularité accrue, car le taux de participation aux élections
européennes n’a cessé de décliner depuis les premières élections directes d’il
y a 34 ans.
« L’accroissement
des pouvoirs étant mêlée à une influence plus grande, la responsabilité et la transparence
doivent se traduire par une visibilité, une crédibilité accrue et une meilleure
réputation », dit le document.
« Au-delà
de la success story incontestable de
l’intégration européenne, l’image publique de l’UE et celle du Parlement n’est
pas encore à la hauteur, comme le montre les chiffres de la participation
électorale, en baisse régulière depuis 1979. »
Cette année, les membres du Parlement européen vont
augmenter les sommes qu’ils alloueront à leur promotion durant les élections
européennes de l’année prochaine, alors même que les pays de l’UE font face à
une période d’austérité fiscale sans précédents [R6].
Les dépenses incluent 9.4 millions de livres
sterling pour l’installation controversée d’une nouveau Musée de l’Histoire, ainsi qu'une « Maison de l’Histoire Européenne » [R7] de 82 millions de livres sterling destiné à
ouvrir en 2015 pour célébrer la « mémoire historique » de l’UE et « promouvoir
la conscience de l’identité européenne ».
Dans les prévisions de dépenses, les sommes consacrées
aux « séminaires, colloques et
activités culturelles » bondiront de 85%, soit 2.5 millions de livres
sterling [R8]. Les dépenses de fonctionnement dans « l’information audio-visuelle » augmenteront de 36%, soit 4.3
millions de livres sterlings.
Il y aura une hausse de 15% des fonds alloués aux
partis politiques européens, tel que le European
People's Party (EPP), et les dépenses du centre hi-tech pour les visiteurs du Parlement, croîtront de 9%. [R9] »
Histoire de conclure sur une note plus joyeuse, je
vous invite à lire la déclaration du député européen Daniel Hannan, qui
commémore les 10 ans du rejet du Traité constitutionnel européen.
[Remarque 1] : Qu’en termes élégants ces
choses-là sont dites…
[Remarque 2] : Soit au taux de change actuel, 2.3
millions d’euros. Rappelons qu’il s’agissait d’une augmentation des crédits,
non du budget total de ces activités de flicage du net et d’orientations « bienveillantes »
des opinions…
[Remarque 3] : L’anglais « to monitor »
peut également se traduire par « suivre », « surveiller ».
[Remarque 4] : Toujours cette manie
insupportable, unidimensionnelle et managériale, de présenter les problèmes politiques
et économiques comme des « défis à relever »…
[Remarque 5] : Dont chacun sait qu’il fut
adopté par l’Assemblée Nationale française au mépris complet du rejet par
référendum du Traité constitutionnel survenu 2 ans plus tôt.
[Remarque 6] : Cette remarque n’est guère
valable pour ce qui est de la France.
[Remarque 7] : Sans doute ces monuments
désertés du public paraîtront-ils à nos descendants aussi mystérieux que le
sont pour nous les ruines des dynasties égyptiennes…
[Remarque 8] : Soit 3.4 millions d’euros.
[Remarque 9] : Ce n’est pas encore suffisant
pour passer au Très Grand État décrit par Jean-Jacques Rosa, mais la vie de
cour commence à prendre forme.
Un texte édifiant, incontestablement. Sans vouloir rien excuser, la démarche peut néanmoins se comprendre : chaque institution œuvre à sa survie et à son extension, c’est vrai de l’UE, de l’Eglise catholique, du Front de Gauche, de la Fédération Française de Foot ou de badminton… Je persiste à croire que mettre tous nos malheurs sur le dos de l’UE est un peu court (dans ce cas pourquoi nos voisins vont-ils mieux et pas nous ?). En tout cas l’insuccès de ces démarches devrait vous réjouir, l’euroscepticisme est plus fort que jamais, et les semaines qui viennent s'annoncent mouvementées pour l’Union européenne. On verra alors si sortir de l’UE est aussi indolore et réjouissant que certains le disent…
RépondreSupprimerJamais ne viendrait dire que tous nos malheurs viennent de l’Union Européenne, et je n’aurais guère d’estime pour qui aurait une lecture si bornée de la situation politique. Néanmoins, s’agissant de l’Union européenne, je considère que les coûts et la perte de souveraineté qu’elle génère ne sont compensés par rien de valable. De surcroît, la construction européenne est un projet des élites, non du peuple, comme l’a montré le référendum de 2005. Et la tendance ne devrait guère s’inverser.
SupprimerSortir de l’UE et de l’euro serait avantageux du point de vue de chaque État-membre (y compris de la Grèce, même si cela accroîtrait considérablement le poids de sa dette). En soi, cela ne résoudrait aucun problème (sauf ceux liés à la monnaie), mais l’intérêt de recouvrer la souveraineté nationale réside dans la possibilité de pouvoir agir politiquement. Rien ne dit que des nations souveraines feront un usage intelligent de cette souveraineté retrouvée, les démarches seront diverses selon les pays, et les résultats probablement inégaux. Mais au moins, la possibilité de faire de la politique, actuellement étouffée par la technocratie et les compromis « mous » entre intérêts nationaux divergents, reviendra. Du moins, c’est ce que j’espère.
Quant à nos voisins européens, hormis le Royaume-Uni (hors de l’euro) et la Suisse (hors euro et hors UE), aucun ne va véritablement mieux. La croissance de l’Allemagne est particulièrement faible, la dette italienne explose alors qu’elle fait face à des flux migratoires difficilement gérables, la Grèce est incapable de créer un secteur productif pour résorber son chômage colossal et se désendetter, et si l’Espagne connaît un léger mieux (23% de chômage tout de même !), cela fait suite à des années de récession. Non vraiment, il faut être atteint du pire des dogmatismes pour croire encore les promesses de l’UE telles que Michel Rocard les résumaient en 1992 : « Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie. »
Vos arguments se tiennent, vous connaissez ces questions-là mieux que moi… Mais bon, il faut rester mesuré, le dogmatisme n’est pas d’un seul côté sur cette matière, je dirais même qu’il est très également partagé. En tout cas chapeau pour la traduction, c’est du beau boulot !
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