J’apprends à l’instant, par la radio, le décès du
philosophe chrétien René Girard, mort hier à l’âge de 91 ans. Toute la presse
française a fait écho à cette triste nouvelle.
Étant bien trop peu familier de l’œuvre et de l’homme
pour en dire quelque chose d’intéressant, je renvoie vers ces articles de
presse (dans lesquels mon regard néophyte discerne tout de même ici et là des
approximations), et en particulier à la nécrologie de Jean Birnbaum dans Le Monde.
« C’est
en développant (après Aristote) sa thèse sur le « désir mimétique » qui anime
tout homme que René Girard a été conduit à s’interroger sur la violence. En
effet, si le « désir mimétique »
–celui de posséder à son tour ce que l’autre possède– permet à l’homme
d’accroître ses facultés d'apprentissage, il accroît aussi sa propre violence
et provoque la plupart des conflits d’appropriation. La notion de « rivalité
mimétique » permet d’éclairer non
seulement la construction du désir humain et la généalogie des mythes, mais
aussi la spirale du ressentiment et de la colère, en un mot la violence du
monde. » (Slate.fr)
« Passé
par l’Ecole des Chartes, archiviste-paléographe de formation, René Girard était
installé depuis 1947 aux Etats-Unis. Il y a enseigné dans de nombreuses
universités comme Duke, Johns Hopkins et surtout Stanford, où il a longtemps
dirigé le département de langue, littérature et civilisation française. Docteur
honoris causa de nombreuses universités (Amsterdam, Innsbruck, Anvers, Padoue,
Montréal, Baltimore, Londres...), il a terminé sa carrière académique à
Stanford en 1995, où il vivait depuis. » (Libération)
« Traduites
dans de nombreuses langues et très reconnues aux États-Unis, ses œuvres sont
assez mal connues du grand public français. C’est pourquoi sa nomination au
fauteuil numéro 37 de l’Académie française, en 2005, était une véritable reconnaissance
pour l’intellectuel.
« Je peux dire sans exagération que, pendant un
demi-siècle, la seule institution française qui m’ait persuadé que je n’étais
pas oublié en France, dans mon propre pays, en tant que chercheur et en tant
que penseur, c’est l’Académie française »,
avait-il expliqué ce jour-là dans son discours devant les Immortels. »
(La Croix)
« Il
concevait son œuvre comme une participation active à un combat intellectuel et
spirituel essentiel pour notre avenir. Observateur attentif du monde, il lui
arrivait d'être très inquiet. Mais il ne lui déplaisait pas de voir scintiller
dans les brasiers du siècle quelques lueurs d'apocalypse. Il se souvenait de
l'exhortation de Jean à Patmos: « Écris donc ce que tu as vu, ce qui est et
ce qui doit arriver ensuite. » L'inspiration
évangélique du titre d'un nombre important de ses livres - Des choses
cachées depuis la fondation du monde, Quand ces choses commenceront, Je vois
Satan tomber comme l'éclair… - marque
bien où était son cœur. Penseur franc-tireur et lecteur universel, René Girard
assumait le scandale de croire à la vérité révélée du christianisme dans un
siècle voué au doute et à la déconstruction. » (Le Figaro)
Post-scriptum du 6 novembre : Lire aussi l’entretien de Dominique Peccoud et Claire Lesegretain, où le rapport entre le Père et le Fils est décrit selon la relation vacataire dégagée par Giorgio Agamben.
« Le
Christ est la victime expiatoire par excellence puisqu’il accomplit ce que le
Père ne peut pas faire, à savoir transformer les énergies négatives qui
conduisent vers la mort en énergies positives qui conduisent vers la vie. En
effet, le Père créateur qui n’est que dons et pardons, ne peut pas reprendre
l’énergie créatrice qu’il a donnée à ses créatures, même quand elles les
pervertissent en énergies de mort. Mais le Christ va prendre sur lui ces
énergies créatrices perverties par le péché, pour les subvertir en énergie
positive d’espérance du triomphe de la Vie sur la mort. C’est ainsi que la
Création est sauvée. » (La Croix)
Un bel hommage, modeste et exhaustif. Le fait que tous les médias aient rendu compte de cette mort (cas assez rare pour un intellectuel) montre que sa pensée avait acquis une portée considérable. Le temps nous dira ce qu’il en est de sa fécondité pour l’avenir…
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